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Epitaphe de Monseigneur le Duc de Guyse

Ce grand Prince guerrier, ce grand chef des armees,
Tel que les siecles vieux, ny le ply des annees
Des siecles advenir ne peurent oncques voir,
Ny ne verront encor qui l'egale en pouvoir
De force, ou de vertu, de vaillance ou de gloire
Pour graver de son nom l'immortelle victoire.


Ce grand Prince guerrier, plus qu'autre homme vaillant,
Fust à garder un fort, ou fust en l'assaillant,
A conduire une armee, ou ranger sous l'enseigne,
Ou bien d'escarmoucher le soldat en campaigne.


Ce grand Prince guerrier qui d'un bras genereux
Rendoit nostre François brave et victorieux,
L'ayant fait assez fort, pour de ses mains hardies
Mettre dessous le pié les forces ennemies.


Ce grand Prince guerrier qui laissoit pour jamais
Si plus il eust vescu en ce monde la paix,
Ce grand Prince guerrier, ce Prince des batailles,
Ha Dieux! avant le temps sous les fortes murailles
D'Orleans mutiné, non de force de bras,
Ou de lance ou d'espieu, ou trebuchant à bas
D'un cheval, terrassé, mais par la main meurdriere
D'un plom empoisonné eut un coup par derriere,
Qui luy perce l'espaule et luy froisse les os,
Dont mourut ce grand Prince, et mis en doux repos,
Ne pouvant pas mourir par force ou par vaillance
Du soldat ennemy, ny du fer de la lance
Du Chevalier armé, or' qu'il fust le premier
Pour aller au combat, et jamais le dernier:
Ou soit qu'il combatist en muraille assiegee
Main à main, à cheval, en bataille rangee.
Car la vertu guerriere, et le sang et le nom
Empeschoyent qu'il mourust autrement qu'en traison.


Ainsi le grand Achil, la gloire Pelienne,
Ayant esté plongé dedans l'eau Stygienne,
Ne pouvoit pas mourir s'il n'eust esté navré
De Paris le Troyen par la plante du pié.


Ainsi de ces deux chefs les vertus avancees,
Par fraude et par traison ont esté renversees:
Ainsi ce grand Achil seur rempart des Gregeois
Sans qui du fier Destin les indomtables lois
Ne pouvoyent pas souffrir que Priam ny que Troye
Fussent de l'estranger ny des Gregeois la proye.


Ainsi ce Chevalier colomne des François,
Le secours de l'Empire et l'appuy de nos Rois,
Sans qui nous n'esperions que la ville rebelle,
Ny son peuple mutiné ny sa vaine querelle
Se peust rompre ou gaigner au milieu des combas
De ceste guerre sainte, a franchi le trespas.
Mais la Grece en la mort de son vaillant Achile
Ne trouva sa ruine, ains luy fut tres-utile,
Car redoublant sa force emprist sous le danger
Par le sang de beaucoup, d'un seul l'ame vanger.


Mais las rien ne t'esmeut, ô France malheureuse!
Ny la mort de ce Prince en qui vivois heureuse,
Ny luy ny son secours, sous lequel tu pouvois
Seurement soustenir le sceptre des François:
Ne pouvant concevoir tant de justes complaintes,
Ayant de ton sang mesme encores les mains teintes,
Sans craindre que les grands tombent dessous la main
D'un meurdrier assasin par un mesme dessain,
Pour ranger aussi tost tout le peuple fidelle,
Esclave sous le joug d'une loy trop cruelle.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578