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Epitaphe d'Anne de Montmorency Conestable de France, du Latin de M. de Pimpont

Cesse Spartain vieillard, cesse de plus vanter
Le discours de ta vie, et cesse de chanter
D'une tremblante voix ces vers hautains et graves,
(Reproche vergongneux,) Nous avons esté braves,
Jeunes, vaillans et forts: Mais vous gentils François,
Favorisez de coeur, et de langue et de vois
Ce grand Montmorency, qui pres de sa mort ores
Se vante avoir esté, et n'estre moins encores,
Brave et vaillant guerrier, or que le ply du temps
Et sa viste carriere eust ja borné ses ans.


Car la France tombant en civiles allarmes,
Et prenant de rechef secretement les armes,
Sage, prompt et hardy fist rampart de son corps
Aux bataillons crestez, et soustint les efforts
De l'orage voisin, sacrifiant sa vie
Dessus l'autel sacré de sa douce patrie,
Détournant, renversant, repoussant, empeschant,
Du mur Parisien la tempeste approchant.


Mais Mars trouvant à poinct sous la teste sacree
De ce grand Chevalier la face desarmee,
Le poil blanc et chenu, attaque front et flanc,
Et d'un coup redoublé les souille de son sang,
Meslant playe sur playe, aux flancs, devant, derriere,
Et de lame meurdriere il ravit la lumiere
De ce grand Conestable, à fin qu'il ne peust pas
Composant, ou restant vaincueur maistre du pas
Fermer du Dieu de paix le temple, et pitoyable
Mettre fin aux malheurs de ce temps larmoyable,
Si que la majesté de ce Dieu des combas
Et l'acier enroüillé ne languist icy bas.


Mais Pallas amoureuse et d'honneur et de gloire
Le charge sur sa targue, où comblé de victoire
Morne et transi de coups, le porte glorieux
A son Roy, et aux siens, mesme victorieux
De l'Envie, qui brusle ainsi qu'un coup de foudre
La cyme des rochers et les reduit en poudre,
Ferme au Pere les yeux devant ses enfans chers,
Couronne le cercueil de branches d'Oliviers,
Et de Laurier sacrez aux victoires celebres,
Pour Hache verdoyante et pour Cyprés funebres:
L'appelle par trois fois, le dit pour ses beaux faits
Digne de commander et en guerre et en paix.


Passant, n'offense pas ceste ame genereuse,
Ains espargne les pleurs, et de l'ombre poudreuse
De ce tombeau sacré de Lauriers revestu
Appren d'estre vaillant et suyvre la vertu.
Anne, vy donc heureux, puis que la part meilleure
Reste encores de toy survivante à ceste heure:
Anne vy donc heureux, qui ne fus languissant
Ny de bras engourdis les vertus embrassant:
Anne, vy donc heureux, et d'esprit indontable
D'alaigresse, d'honneur, et grace inimitable,
As vescu jeune et vieil, d'âge en âge suyvant,
Dés ta naissance heureux et vivant et mourant,
Puis que les faits premiers de ta jeunesse tendre
Respondent aux derniers, et qu'il ne faut attendre
Rien d'heureux icy bas, ny durable, ny fort,
Que la seule Vertu qui reste apres la mort.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578