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Chant d'Allaigresse sur la naissance de Fran. de Gonzague, fils de Monseigneur de Nevers. Du Latin de M. du Chesne Lecteur du Roy

Prince gentil et beau, Prince plein de douceur,
De race genereuse, et comblé de bon-heur,
Favoris? du ciel, dont l'heureuse naissance
Fait naistre quant et soy l'heureuse paix en France,
Paix qui d'un fort lien a saintement rejoints
Deux freres pour l'absence auparavant desjoints:
Quand sera-ce mignon, que pour ces bons offices
Rendre nous te pourrons assez d'humbles services?
Car la paix que le peuple, et par voeux et par pleur,
Que le sage Senat par advis saint et meur,
L'Eglise par priere, et que la force humaine,
L'art ny l'invention n'ont peu rendre certaine,
Par toy germe divin apparoist à nos yeux
Comme l'aube du jour de ton feu radieux:
Ayant chassé la nuict et l'ombre stygiale
Qui couvroit le beau chef de la fleur liliale.


Enfantement heureux, et digne à l'advenir
Dessous le ciel François d'immortel souvenir.
Car si ja ton enfance, en jugement petite,
Commence à s'honorer par un si grand merite,
Quelle esperance apres pouvons-nous concevoir
Lors que tu seras grand d'esprit et de pouvoir,
Quand tu voudras bien-né imiter de ton pere
Les palmes, les lauriers, et la lance guerriere?


Par augure certain du ventre maternel
Cela fut remarqué, que devois estre tel,
Quand d'un fievreux accés ta chere et douce mere
Fut si proche de mort, que la fosse et la biere
Beantes l'attendoyent prestes à l'engloutir
Sans le divin secours qui l'en vint garantir,
Sçachant bien qu'une fois les valeurs de ta vie
Seroyent l'heureux repos de ta douce patrie.


Doncques le peuple bas, et l'Eglise, et la Cour
Vont benissant l'enfant cause d'un si beau jour:
La France à deux genoux fait son humble priere
Au Seigneur tout puissant, qui dessous sa main fiere
Fait trembler l'Univers puis qu'en ta naissance or',
Nous voyons de retour le premier âge d'or,
Puisque du Dieu Ianus tu as fermé la porte
De cent chaisnes à fin que le trouble n'en sorte,
Qu'autour de ton beau front se ramagent tousjours
Les Delices, les Jeux, les Ris et les Amours:
Un Printemps eternel sur tes lévres fleurisse,
Tousjours sur ton berceau soit la douce Blandice,
Les Graces, les attraits et cent baisers mignars
Autour de ton beau col pendillent fretillars.


Ainsi soyent donc heureux le Prince et la Princesse
Qui t'ont fait voir le jour, toy en ta petitesse
Heureux d'estre né grand et d'illustres ayeux,
Ainsi la France allaigre en front victorieux
Ayant veu son grand Duc, porte la branche vive
De lauriers verdoyans, et toy celle d'olive.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578