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Cartel

Dames dont les beautez et les douces faveurs
Animent aus combats cent et cent serviteurs
Les repaissant d'honneur qui brave les convie
Perdre pour vos beaus yeus et le sang et la vie:
Croyez je vous supply que ces deux Chevaliers
Hommes faits et choisis, bons et vaillans guerriers,
Amoureux de vertu et d'honneur et des armes,
Ensemble ont resolu non par feintes allarmes,
Par soupirs redoublez ou par affection
D'un langage fardé de vaine passion
Acquerir les faveurs d'une belle maistresse.


Mais ils veulent premier que la seule proüesse
Serve de truchement et soit l'avantcoureur
Pour fidelle tesmoin de ce qu'ils ont au coeur,
Jurant devant vos yeux qu'ils n'ont volonté d'estre
Esclaves de l'Amour, sans vous faire parestre
L'effet de leur merite, ou soit à coups de main,
A cheval ou à pié, ou par autre dessain
Qui se peut pratiquer en foule ou en carriere
Deux à deux, seul à seul, ou de lance guerriere
Se choquer brusquement et rompre de droit fil,
Non pas de conquester par un moyen subtil
Comme estre bien en poinct, ou de porter visage
Sous le charme sorcier de quelque doux langage,
La moindre des faveurs que vos rares beautez
Donnent pour recompense à tant de loyautez.
Non, ils ne veulent pas s'allumer de la flame
Qui reschaufe le sang et glisse dedans l'ame
Doucement par les yeux, que devant ne jugez
S'ils meritent cest heur d'estre mis et rangez
Entre ceux que l'Amour et l'honneur favorise.


Voulant donc mettre à fin ceste belle entreprise
Sont venus en ce lieu pour mieux faire paroir
Et reconnoistre à l'oeil l'effet de leur devoir,
En ce lieu plein d'honneur, en ce lieu venerable,
Lieu comblé de vertu et grace incomparable
De cent rares beautez qui mettroyent en erreur
Un coeur, fust-il de roche ou de metal plus dur:
Et tout ainsi qu'on voit la couleur blanche et nette
Sur toutes apparoistre excellente et parfette:
Ainsi l'affection de nostre loyauté
Est sincere et parfaite en toute pureté.


Doncques si vous voyez que par nostre vaillance
Nous puissions meriter quelque peu d'asseurance
De vous faire service et de nous rendre heureux,
Je sçay que vous avez le coeur si genereux,
Que vous embrasserez de volonté meilleure
L'honneur et la vertu qu'une grandeur malseure,
Qu'une vaine richesse, ou quelque grand thresor:
Car la vertu vaut mieux qu'une montagne d'or.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578