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Cartel des Chevaliers d'amours, 1575 3 JuinAux Dames

Dames, dont les vertus et les rares beautez
Animent aux combats les promptes volontez
De ces jeunes guerriers, je vous supply de croire
Que la Mort de l'Amour n'emporte la victoire:
Bien meurt ce masque feint, qui sans affection
Sans foy, sans loyauté farde sa passion,
Ce fantosme d'Amour, qui en naissant avorte
Indigne des honneurs de ce beau nom qu'il porte,
Ce Mattois, ce pipeur ce Démon, ce Lutin,
Inconstant, passager, et volage, et mutin,
Qui se repaist, friant, d'amorces tromperesses,
De surprises, d'attraits, de ruses piperesses,
Et qui charmant nos yeux n'entre jamais au coeur.
Tel Amour vieillissant, perist en son erreur.


Mais l'autre est immortel, les faveurs de sa grace
Tirent du ciel voûté le germe de sa race,
C'est le mignon choisi des hommes et des Dieux,
Le fidele entretien de la Terre et des Cieux,
Des Elemens confus la liaison premiere,
De ce grand Univers la feconde matiere:
De ses traits empennez le violant effort
Ne se peut alterer par échange de mort:
C'est une passion, un desir, une flame,
Qui fait la sentinelle au rampart de nostre ame,
Et guide nos pensers: C'est une deïté
Estroittement unie à l'immortalité.


Amour est tout divin, le Destin, ny l'Envie
Ne sçauroyent retrancher les souspirs de sa vie:
Car estant immortel, la Terre ne peut pas
Trionfer de ce Dieu, affranchi du trespas.
Et s'il mouroit encor, plus noble sepulture
Ne prendroit que vos yeux, sa douce nourriture:
Car de vous il prend vie, et dans vos coeurs épris
Se repaist, immortel, de vos divins esprits.


Amour jamais ne meurt, sa divine semence
Tousjours retient l'odeur de sa premiere essence:
Et ne faut s'attrister, ny porter le grand dueil
Comme s'il gisoit mort dans le fond d'un cercueil:
Il loge en vos beaux yeux, qui de flammes cruelles
Nous alterent bruslant jusques dedans les moüelles,
Et vivant et voyant nous le sentons en nous
Tantost comme tyran, tantost benin et dous.


Cause que nous voulons en foule, ou en carriere,
A cheval, ou à pié, ou joints à la barriere
Maintenir que l'Amour est plus vif et plus fort,
Plus graciex et doux, et cent fois plus accort
Qu'il ne fut onc çà bas, asseurant que les Dames
Hostesses de ce Dieu, et de ses vives flames,
Ont plus de loyauté, de grace, et de douceur,
Que ne peut meriter un loyal serviteur:
Et que jamais Amour, quoy que l'on vueille dire,
Ne porta l'arc en main en un plus doux Empire.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578