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A sa maitresse

Ta bouche en me baisant me versa l'ambrosie,
Dedans le ciel voûte dont se paissent les dieux,
Et moy en suçottant et ta langue et tes yeux
Je dérobé, larron, et ton ame et ta vie:
Ce fut au cabinet où je pris amoureux
Les faveurs dont j'espere en fin me rendre heureux,
Cabinet le sejour des baisers et des Graces,
La retraicte d'Amour, où mourant de plaisir
Heureux je mis la main sur les mignonnes traces
Qu'Amour pour se loger a bien voulu choisir.


Sus donc approche toy et me baise mignonne,
Suçons et ressuçons l'un et l'autre à son tour
Le petit bout sucré que la mere d'Amour
A confit dans le miel des baisers qu'elle donne.
Las! que dy-je mon Coeur? à peine avons pouvoir
Vous et moy tant soit peu libres nous entrevoir,
Tant y a dessus nous de fenestres ouvertes:
Mais si le feu d'Amour aussi vif que le mien
Eschaufoit vostre sang, vous auriez le moyen
Trouver et temps et lieu pour soulager nos pertes.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578