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Ode Sur les recherches de E. Pasquier

Celuy qui docte se propose
Bastir aujourdhuy quelque chose,
Est né sous un ciel malheureux:
Car toute oeuvre laborieuse,
Qui part de main industrieuse,
Demande un siecle plus heureux.


Un siecle pour le moins, qui prise
L'ouvrier, et qui le favorise,
Sans le frauder de son honneur:
Siecle ingrat, qui dessous la poudre
Laisses trop vilement dissoudre
L'ouvrage d'un gentil labeur.


Tu te ris, si l'on te retrace
Quelque trait à l'antique grace,
Tu prens toute chose à desdain,
Tu ne fais cas que des estranges,
Desrobbant les justes louanges
De ceux qui naissent dans ton sein.


Tu ne veux qu'une maison grande,
Sans sçavoir que le temps commande
Sur les desseins de ton cerveau,
Enterrant la sourde memoire
Et de ton nom, et de ta gloire,
Sous l'oubly d'un mesme tombeau.


La vertu te sert de risee,
Et la science mesprisee
S'escoule, et te vient à mespris:
Rien ne te plaist que l'ignorance,
Dessous la masque d'arrogance,
Qui fait rougir les mieux appris.


Si faut-il confesser encore,
Que le saint labeur qui redore
L'honneur de ces siecles derniers,
A trouvé l'argentine course
De la fontaine, dont la source
Enyvra les siecles premiers.


As-tu pas eu la cognoissance
D'une brigade, dont la France
Heureuse se doit estimer,
Qui vint, comme à la saison belle
Les arrondeaux à tire-d'aelle
Viennent en foule d'outre mer?


Ou comme par la nuict muette
On voit une estoile seulette,
Puis mille et mille en un moment?
Ou dans la marine troublee
La vague en cent flots redoublee,
Qui n'enfle que d'un petit vent?


Mais cette troupe non mortelle
N'a pas trouvé la fauveur telle
Du ciel, qu'ell'esperoit avoir:
Car son odeur s'est tost perduë,
Comme au vent se pert une nuë,
Ou la lumiere sur le soir.


Le Laurier, qui le chef enserre,
Fait l'un heritier d'un caterre,
Plustost que de le rendre sain,
L'autre se collant sur le livre
Trompe la mort, pour apres vivre,
Et n'a pas pour tromper sa faim.


L'un se peint un visage blesme,
Et l'autre, aux despens de soymesme
Enrichist de France le nom:
Encores la playe est ouverte
De mon Du-Bellay, dont la perte
Fait perdre aux Muses le renom.


Mais Pasquier despitant l'envie,
Et le sort dont elle est suivie,
Maugré l'injure de ce temps
Donne le jour à son ouvrage,
N'esperant tirer davantage
De luy, que la roüille des ans,


Encor qu'on y voye descritte
L'occasion de l'entresuitte
Des republiques de nos Rois,
Et comme doivent les provinces
Baisser le chef dessous leurs princes,
Et sous la rigueur de leurs loix.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578