Piccola Biblioteca digitale romanza vai a www.unipi.it

Priere à Dieu

Sus sus mon ame, avant gaignons le port,
Nous sommes forts, car Dieu est notre fort,
Bien asseurez, car c'est nostre asseurance,
Bien defendus, car c'est nostre defense,
Les membres siens, et luy est nostre chef
Qui nous retire et sauve de mechef,
Les enfans siens, et luy est nostre pere.


Sus donc, mon ame, avant qu'on le revere,
Et qu'en luy seul on fonde son espoir,
Et qu'à luy seul on rende le devoir,
Soit du genoil, de l'oeil ou de la teste
Qu'à le servir humblement on s'appreste.
Car à luy seul nous sommes serviteurs,
Et à luy seul nous devons tous honneurs,
C'est le seigneur qui de là haut regarde
De cent flambeaux qu'il retient pour sa garde,
Et qui le Ciel appelle pour tesmoin
De nos pechez qu'il regarde de loin:
Il a des yeux et ne peut nostre offense
Estre cachee à sa grand'providence.
Sers-le donc seul, puis selon tes dessains
Il benira l'ouvrage de tes mains,
Il benira toy, les tiens et ta race,
Et largement le thresor de sa grace
Il espandra sur la teste de ceux
Qui leur espoir cachent dedans les cieux:
Sur tous ceux-la qui sa grandeur admirent,
Dessus ceux-la qui de bon coeur aspirent
Devers le Ciel gardant ses saintes loix
En savourant le doux miel de sa voix.
Car elle est douce et vivement emprainte
Dedans nos coeurs, ceste parolle sainte
Feroit trembler le plus seur element,
Ayant sur tous force et commandement:
Elle a pouvoir d'abaisser les montagnes
Et de haulser les plus humbles campagnes,
Voire amollir les costes des rochers,
Ouy d'asseurer les timides Nochers,
Pendus au dos des vagues de Neptune,
Et de forcer les forces de Fortune,
Ouy de pouvoir et fendre et renfermer
Entre deux monts les grands flots de la mer,
Et d'appaiser les ardantes coleres
Et les arrests des celestes lumieres:
Bref elle peut boulverser à l'envers
Les fondemens de ce grand Univers.


Donc cil qui l'a au coeur et dans la bouche,
Craindre ne doit que le malheur le touche,
Craindre ne doit les couteux ny les feux:
Car il fait cheoir poil à poil nos cheveux.


Lors cognoistront tous les peuples estranges
Que tu auras espandu tes louanges
Le bras armé, la gloire et la grandeur
Sous la justice et le nom du Seigneur,
Lors tu verras la celeste rosee
Tousjours rouler sur la terre arrosee
D'un beau Printemps riche de cent couleurs
Et parfum? d'une moisson d'odeurs:
Il haulsera les cornes de ta gloire
En tous endroits en te donnant victoire
Sur tous ceux-la qui seront ennemis
De toy, des tiens, et de tes chers amis.
Loüé de tous, ny mal-voulu d'aucun
Tu marcheras brave devant chacun,
Soit au sortir, soit à ton arrivee,
Le sourci haut et la teste levee,
Multipliant nuict et jour à foison
Tes biens aux champs, et dedans ta maison
Tes boucs, tes boeufs, tes brebis camusettes,
Tes grains, tes fruits, ton miel et tes avettes,
Armant tes champs de beaux épics grenus
Et non d'ivraye ou de chardons menus,
Il changera toute ton indigence
En heur, en biens, et ruisseaux d'abondance.


Allant, courant il benira tes pas,
Il benira ton repos, ton repas,
De jour, de nuict, et de main mesnagere
Il fermera sur le soir ta paupiere,
La défermant quand du marin sejour
Le beau Soleil aura tiré le jour:
Il aura soin de ton petit mesnage,
De tes enfans, de toy, de ton ouvrage.


Doncques, Seigneur, monstre nous le sentier,
Fay nous la voye et marche le premier,
Sans toy, Seigneur, nous perdons esperance
De nous trouver sur le port d'asseurance:
Sois donc, Seigneur, la colomne de feu,
Qui conduisoit de nuict le peuple Hebreu:
Sois nous, Seigneur, la colomne chenuë,
Qui les guidoit sous l'espais de la nuë
Durant le jour, à fin que tes enfans
Puissent entrer, du malin trionfans,
Au beau sejour de la terre promise
A Israël la force de Moyse.

Belleau, Remy (1528-1577) [1578], Les Odes d'Anacreon Teien, poete grec; Avec quelques petites Hymnes de son invention, et autres diverses poesies: Ensemble une Comedie (Gilles Gilles, Paris), Ed. Barbara Sommovigo - 2008. Le texte numérisé est celui de l'édition 1578