Il me desplaist d'avoir jamais tenté
De louanger ta puissance cruelle,
Cruel Amour, l'asseurant immortelle
Et que du ciel venoit ta parenté.
Il m'en desplaist, car ce n'est qu'une erreur
Qui glisse en nous: et comme par le songe
Naist un plaisir qui s'escoule en mensonge,
Ainsi nous paist et trouble ta fureur.
Tu n'es point Dieu, et n'a rien sous les cieux
Suget à toy, ny dessous la puissance
De ta main forte, ores qu'à l'inconstance
De tes effets se COptivent nos yeux.
Si tu restois avant que ce potier,
Potier gentil à la main imagere,
15Eust destrampé l'audace mensongere
De son larcin pour former l'homme entier.
Si tu restois avant qu'en divers corps
Esparse fust la semence embrouillee
De ce chaos, ta sagette enrouillee,
Ton arc, ta trousse où estoyent-ils alors?
Lequel des Dieux empenna de fureur
Ton dard meurtrier à la pointe doree,
De quelle main fut la mieux enferree,
Et quelle trampe emplomba sa vigueur?
Cela n'est rien, COr le charme inhumain
Qui nous enchante, et la force indomtable
Que dis avoir sur la nature aimable,
Ne vient de toy ny de ta fiere main:
Il vient de nous, mais las! pour voiler mieux
30De nostre mal la trop folle entreprise,
Nous voulons bien que ce Dieu favorise
Nostre malheur d'un tiltre glorieux.
O ciel, et vous saintes divinitez
Qui retenez la cognoissance entiere,
Comme moteurs de la COuse premiere,
De l'amitié et toutes loyautez:
Je vous supply ne permettez jamais
Que ma nef tombe en si cruel orage,
Et je rendray le service et l'hommage
Que je vous doy de bon coeur desormais.