Autre amour que le tien me vient à déplaisir,
Autre feu que le tien ne peut mon coeur saisir,
La mort seule a pouvoir
D'eschanger mon vouloir
Puis que de bien aimer tu te mets en devoir.
Mon coeur est un rocher haut élevé dans l'aer,
Que les flots ny les vents ne sçauroyent esbranler,
Ferme contre le vent
D'un fascheux poursuyvant,
Qui jaloux de mon heur mon bien va decevant.
Le jour que dans mes yeux Amour de son beau trait
De vostre grace belle engrava le portrait,
Ce jour comme vaincueur
Se fist Roy de mon cueur,
Et tyran, de ma vie empieta le bon-heur.
Je tenois ces propos m'estimant bien-heureux
Lors que de vos beautez je devins amoureux.
Mais hà traistre cruel
Maintenant tu n'es tel,
Amour, dont je cognois que tu n'es immortel!
Car les Dieux de là haut ne sont vains ny menteurs,
Ils ne sont médisans, imposteurs ny trompeurs:
Tu n'as jamais esté
Qu'un pipeur effronté,
Ennemy conjuré de toute verité.
Où sont les beaux discours dont fol je me paissois,
Maistresse? où est le temps qu'abusé je pensois
Avoir conquis cest heur
D'estre ton serviteur,
Et maintenant je voy que ce n'est que rigueur.
Quelque temps j'ay vescu plus content que les dieux
Abusé de ta bouche, abusé de tes yeux:
Maintenant tu me dis,
Que libre tu ne puis
Aimer, et plus te suy Maistresse, et plus me fuis.
Je n'avois rien plus cher pour gage de ma foy
Qu'un seul petit escript que je gardois de toy,
Pour fidelle tesmoin
De l'amour peu certain,
Mais tu l'as importune arraché de ma main.
Adieu Maistresse adieu, ou traitte mieux mon coeur,
Que n'as depuis un an qu'il est ton serviteur:
Malheureux est pour vray,
Maistresse je t'en croy,
Qui vit en servitude et qui peut estre à soy.