En quelle grace plus celeste,
En quelle beauté plus modeste,
Pouvoit mieux loger la couleur,
Qu'entre le lis, l'oeillet, la rose
De ma Catin, en qui repose
Le seul repos de ma langueur?
Faut-il qu'en si peu de duree
Une grace tant asseuree,
Un oeil, un front, une beauté,
Un rouge vermeil qui colore
Ceste bouche que tant j'honore
Sente une telle cruauté?
Mais je voy las! qu'en peu d'espace
Le teint de la rose se passe,
Et que la grappe se flaitrist,
Que du lis la teste panchee
De l'ongle seulement touchee
Tombant sur terre se pourrist.
Le peu durer ne m'est estrange,
Je sçay le journalier eschange
Des choses qui sont sous les cieux,
Et que le Printemps de nostre age
Coule aussi tost que fait l'image
D'un songe qui trompe nos yeux.
Je le puis maintenant connestre:
Car cela que je pensois estre
En ma Maistresse moins mortel,
Je l'ay veu comme une fumee
Au vent se pert en l'air semee,
En peu de temps se rendre tel.
Mais quoy? la beauté dont la Grece
Anima la prompte jeunesse
A sacquer les armes au poing:
Et celle dont le Peleïde
Eust meurdry le superbe Atride
Sans Pallas qui le print en soing:
A-telle pas de grand foiblesse
Porté le masque de vieillesse,
La voix casseé etiques les bras,
Porté, trainé de main tremblante
La crosse mesme chancelante
Sous l'inconstance de ses pas?
Le Temps qui tout frape à sa marque
Les chargea toutes dans la barque
De ce barbare passager,
Pour passer sous muet silence
De leur beauté la souvenance
Passant le fleuve mensonger.
Vous doncques qui croyez ma Muse
Tandis qu'Amour ne vous refuse
Un seul poinct de vostre plaisir,
Voyez voyez qu'une maistresse
Pour avoir passé sa jeunesse
Sans amy n'a que desplaisir.