Dieu te gard Fille heritiere
De ce Faucheur orgueilleux,
Et la fidelle portiere
De l'Olympe sourcilleux,
Qui retiens sous la cadance
De tes pas, la violance
De ce grand Tour merveilleux.
Dieu te gard gente Deesse,
Au pied lentement glissant,
O qu'heureuse est ta paresse,
Qui ne va point finissant!
O Dieu qu'heureuse est ta fuitte,
Au regard de l'entresuitte
De nostre âge perissant!
Bien que tu sois paresseuse
La plus qui soit dans les cieux,
Lon te tient la plus heureuse
Qui soit entre tous les Dieux:
Car tu n'es jamais sujette
Faire ainsi qu'une planette,
Un grand tour laborieux.
O que ta course est fuitive
Que le temps n'atrappe pas!
Mais à l'homme trop hative
Pour luy donner le trespas,
Qui soudain le mets au monde,
Puis soudain dans la noire onde
Le fais Ombre de là bas.
Toute la force et la grace
Du ciel se remirent en toy:
Et la violante audace
Du temps, ne gist qu'en ta foy,
Qui te rend obeissance,
Pour cacher son inconstance
Sous la rigueur de ta loy.
C'est ton vol lent qui rapporte
Sur ses aelles le bon heur
Du ciel, c'est luy qui rend morte
Peu à peu nostre douleur,
Nous contentant d'assurance,
Ou repaissant d'esperance,
Pour franchir nostre malheur.
Toute la troupe admirable
Des feux brillans dans les cieux,
Point ou peu se rend traitable,
Et familiere à nos yeux,
Comme toy qui nous ordonnes
Tout en tout, et qui nous donnes
Nostre pis et nostre mieux.
Comme toy, qui aux clostures
D'un ivoyre, ou d'un crystal,
Tranches les jours par mesures
Sous un mouvement egal,
Tant fut l'ame curieuse
Et la main ingenieuse
Pour animer un metal.
Comme toy qui du bocage
Retires le Bucheron,
Le Pasteur du pasturage,
Des vignes le Vigneron,
Le Peintre de la peinture,
L'Ecriveur de l'escriture,
Des forges le Forgeron.
Comme toy, qui tousjours veilles
Proche du lict de Ronsard,
Et sans cesse le reveilles,
Afin que d'un nouvel art,
Et d'une nouvelle adresse
Il flechisse la rudesse
De sa Cassandre qui l'ard.
Sois luy doncques favorable,
Lente Deesse aux pieds moux,
Ren luy Cassandre traitable:
Amour favorise à tous,
Pourveu qu'on le puisse prendre
Sus l'heure, qu'il veut entendre
A nous rire d'un oeil dous.
Retien la course amoureuse
De son âge dous-coulant,
De ta main industrieuse,
Qui au cheval pié-volant
Donne le frein, et le donte,
Quand dispos le Soleil monte
Dans son char estincellant.
Mais pendant que je te chante
Je grisonne et pers la vois:
Et toy mille fois mourante,
Tu renais autant de fois
Sans qu'en la mort tu sejournes:
Car en mourant tu retournes,
Et sans retour je m'en vois.